Contact-tracing : témoignage de Laure Lubat, Médecin du Travail

Investigation et gestion d’un ou de plusieurs cas Covid-19 en milieu professionnel : suite au nouveau mode opératoire mis en place par l’ARS, l’Agence Régionale de Santé, retrouvez ici le témoignage d’un de nos médecins.

Vous venez d’être confrontée à une situation de Covid-19 auprès d’un salarié membre d’une entreprise adhérente. Quel a été votre rôle ?
Lorsque la situation s’est présentée, il a fallu à la fois prévenir le salarié testé positif à la Covid-19 informé également par le laboratoire, et son entreprise. L’objectif était de lister les cas contacts avec les autres collaborateurs, les isoler et les tester à leur tour, afin que le cluster ne se forme pas et ne s’amplifie pas. Ainsi, j’ai répertorié l’ensemble des tâches professionnelles effectuées par le salarié depuis son contact avec un individu testé positif à la Covid-19, quelques jours auparavant. S’il ne développait pas lui-même de symptôme apparent, il pouvait transmettre le virus. Ainsi, nous avons pu lister toutes les personnes avec qui le salarié avait été en contact entre la contamination et les résultats du test. Grâce au contact-tracing, nous avons déterminé quel cas avait besoin d’être testé.

Qu’est-ce que le contact-tracing ?
Il intervient en amont d’un nouveau mode opératoire visant à éviter la formation de clusters. Il est mis en place par l’ARS, l’Agence régionale de Santé, lorsqu’il y a 3 cas avérés ou suspects durant 7 jours glissants : en effet, il est très rare que 3 cas apparaissent d’un coup.
Durant cette première phase, le médecin du travail ou la CPAM, en fonction de la situation, réalise un contact-tracing. Il s’agit de retrouver tous les sujets qui ont été en contact avec une personne positive au test, de manière à pouvoir isoler et tester ces sujets-là, et arrêter la chaîne de contamination. Si un résultat s’avère positif, le dispositif est reproduit autour de cette nouvelle personne, ainsi on réalise des cercles concentriques tout en élargissant au fur et à mesure.
Tout le monde n’est pas contact de la même manière : une proximité à moins d’un mètre d’une personne, sans masque et dans lieu clos n’est pas considérée de la même manière qu’un contact à une distance à 5 mètres, à l’extérieur et avec un masque.
Pour résumer, le contact-tracing correspond à déterminer différents niveaux de contacts pour pouvoir tester en priorité les personnes ayant eu un contact rapproché et qui sont à risque, en élargissant au fur et à mesure et si besoin, vers les moins à risque.

Quelles actions avez-vous mises en place afin de répondre aux besoins de l’entreprise et protéger les collaborateurs ?
Il a fallu isoler la personne positive, lui demander de prévenir son entourage et isoler ce dernier à son tour. Son médecin traitant s’est occupé du contact-tracing côté personnel, et a également adressé un arrêt de travail afin qu’il soit effectif le jour-même, un samedi. Le médecin du travail peut également le prescrire.
J’ai été en charge du contact-tracing du côté professionnel. Le lieu de l’activité professionnelle étant un site industriel ne pouvant s’arrêter, il a fallu remplacer les cas contacts par des collaborateurs ayant les compétences et les habilitations nécessaires pour cette unité à haut risque.
Information à connaître : lorsqu’on est cas contact, il n’est plus nécessaire d’avoir une prescription pour être remboursé de son test.

Le secteur de l’industrie peut nécessiter des besoins organisationnels spécifiques : quels sont-ils et comment y répondre ?
En effet, l’industrie a des besoins particuliers. Si la sous-traitance et la co-activité sont d’habitude maîtrisées, elles peuvent donner lieu à des problématiques spécifiques dans le contexte épidémique actuel.
A l’occasion d’un chantier qui se déroulait sur ce site industriel, j’ai été confrontée à une situation assez caractéristique : un salarié travaillant pour une agence d’intérim était en mission pour une société elle-même sous-traitante d’une autre entreprise. Je dispose des accès au site client, ce qui n’est pas toujours le cas. Cela m’a permis de collaborer étroitement avec le médecin du travail de l’établissement qui dispose de son propre service de santé au travail autonome. Par ailleurs, une investigation spécifique réalisée avec le responsable HSE de l’entreprise sous-traitante de niveau 1 a permis d’assurer la relation avec les autres structures.
Ainsi, les actions mises en place ont pris en compte deux niveaux de sous-traitance et de la co-activité. De plus, puisque cette situation a généré un stress important, le sous-traitant de niveau 1 a décidé de prendre à sa charge un dépistage pour tous les membres de l’unité ayant été en contact avec le cas positif.
La complexité de cette intervention résidait dans la coordination entre ces différents établissements qui travaillent eux-mêmes avec plusieurs services de santé au travail. A cela s’ajoutait la difficulté particulière d’une intervention à mener durant le week-end, qui renforçait certaines contraintes : disponibilité des acteurs notamment.

Qu’en est-il de la situation ?
A ce jour, j’ai reçu l’ensemble des résultats, presque tous négatifs. Un seul cas s’est avéré positif, lui-même cas contact d’un autre cas. Nous avons assez de recul pour conclure que l’on a tout de suite réussi à enrayer le cluster qui se formait et ne pas avoir d’autres cas dans l’entourage professionnel et personnel, grâce à l’isolement rapide du salarié positif au résultat de la Covid-19.